Pierre Loup

Plus j'entre en cohérence entre ce que je dis et ce que je crois, plus mon ministère se développe.
A l’image du jardin la cure qu’il occupe depuis dix ans dans les hauts de Montreux, le paysage intérieur de Pierre Loup est parsemé de terrasses, de verdure un brin sauvage, de couleurs et de surprises. D’ailleurs, les jardiniers ont occupé une grande place dans l’histoire de la famille. Avant son père, son grand-père a été engagé en 1930 comme horticulteur dans la communauté religieuse de Saint-Loup, à Pompaples (VD).
Un «signe de la providence» interprète Pierre non sans un malin clin d’œil au jeu de mot avec son nom de famille. Attaché à la foi par son héritage libriste et son éducation dans les milieux évangéliques apostoliques, l’adolescent n’est pas encore saisi par l’idée d’un engagement pour l’Eglise. Il se verrait plus volontiers graphiste. Depuis l’âge de douze ans Pierre a le pinceau qui le démange. Il se souvient avec émotion de cette découverte fulgurante faite alors que l’une de ses enseignantes lui offre la possibilité de s’exprimer sur la toile pour la première fois. On le croirait raconter sa conversion religieuse. Et la flamme s’installe durablement: «Depuis plus de trente ans je fréquente tous les lundi soir un atelier dirigé par Chantal Moret, une peintre extraordinaire qui m’a fait découvrir et aimer le cubisme».
Cependant, la pratique du dessin n’offre pas suffisamment de débouchés professionnels à long terme. Les ordinateurs vont bientôt remplacer les humains dans ce domaine. C’est l’expert en orientation que sa maman consulte en compagnie du jeune Pierre qui l’affirme.
«Il sera instituteur» décide-t-elle alors, c’est aussi une tradition familiale. Docile, il s’engage donc à l’école normale. Mais le jeune instituteur malicieux prend rapidement sa revanche lorsque tout l’établissement scolaire lui confie les cours de dessin. Peu importe qu’il n’ait pas fréquenté les beaux-arts.
«A l’âge de huit ans, j’avais dit à ma marraine que je voulais être pasteur parce qu’ils n’ont pas de patron» se souvient Pierre Loup avec le sourire aux lèvres. Cependant, l’idée de s’engager professionnellement dans le ministère ne s’impose que très progressivement. L’expérience charismatique et la prédication de plusieurs pasteurs seront déterminants. Pierre Loup est désormais convaincu que chaque être humain a un ministère. Pour mieux discerner le sien, il s’engage dans une formation biblique au Danemark. De retour, il retrouve son travail d’enseignant, mais il poursuit la formation au Séminaire de Culture Théologique à Lausanne. Il effectue ensuite un stage diaconal et devient aumônier en milieu scolaire. «J’ai très facilement trouvé mes marques et apprécié le pont entre l’Eglise et le milieu professionnel». Et la pratique du dessin occupe une place de choix. Il se fait connaître par ses nombreux dessins de presse aux accents parfois provocateurs qu’il qualifierait plus volontiers de «prophétiques». En abordant frontalement les sujets chauds qui touchent aux orientations de l’Eglise, à la théologie ou aux décisions du synode, le vitriol de ses couleurs révèle l’esprit frondeur qui se cache derrière la bonhommie tranquille du diacre.
Progressivement, les accents de sa trajectoire s’infléchissent. Avec l’évolution des besoins de l’Eglise, son travail est davantage orienté sur la paroisse. Depuis quelques années, il se spécialise avec bonheur dans les interventions en EMS «je me rends compte que les thématiques que j’abordais avec les jeunes sont très actuelles pour les personnes âgées. Comme si les questions existentielles avaient plus de poids aux extrémités de la vie.»
Son entrain volubile communique passion et dynamisme. Pierre se perd en bondissant d’une anecdote à l’autre. Sur sa famille, il est intarissable. Son épouse Antoinette qu’il considère comme son inspiratrice, ses trois enfants et ses deux petits enfants qui lui donnent joie et motivation.
A quelques encablures de la retraite, Pierre Loup ne perd rien de son élan. Il produit quotidiennement un dessin qu’il exploite volontiers dans son ministère «c’est un excellent support à mes prédications en EMS. On me les réclame à chaque fois.»
Depuis quelques temps, son animal fétiche est la limace. Il aime à souligner sa lenteur et sa vulnérabilité qu’il perçoit comme des éléments de résistance à une société consumériste et informatisée. Tout à l’heure, il trempera ses pinceaux dans l’écoline pour illustrer la nouvelle tondeuse-robot de son voisin. Une armée de limaces manifeste contre la machine et proclame «Les créatures de l’homme n’ont donc aucun cœur pour les créatures de Dieu?». Un frondeur spirituel, on vous le dit.
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