Geneviève Butticaz

S'ouvrir au monde et rencontrer Dieu.
Parler de Geneviève Butticaz, c’est d’abord parler d’une présence simple, joyeuse et habitée. Attablée sur une terrasse veveysanne à la fin d’un mois d’août brûlant, je la vois tour à tour rieuse et perdue dans ses pensées. Elle cherche ses mots avec soin, se corrige parfois. Elle veut parler honnêtement de ce feu en elle, de cette présence qui l’accompagne. Mais il n’est pas simple de parler d’un compagnon quotidien, d’une évidence si ancienne ou d’une réalité si ancrée qu’elle fait partie de soi.
La simplicité est difficile à rendre avec des mots. La jeune pasteure me raconte qu’elle est en vacances: elle confie qu’elle se promène beaucoup au bord de la rivière près de chez elle, et qu’elle n’a rien besoin de faire de plus. «Je suis là, je suis juste en présence.» 
Geneviève Butticaz connaît la foi depuis longtemps. Née au Pays-d’Enhaut, elle suit ses parents au culte et s’investit dans les activités paroissiale. «J’ai fait ma vie dans l’Eglise, mes loisirs dans l’Eglise, mes dimanches à l’Eglise... Bon j’exagère, mais c’était quand même un peu ça.» CFC de commerce dans la poche, elle se verrait bien infirmière, mais... «Après un stage à l’hôpital, j’ai vu que je n’avais pas le feu. J’ai fait d’autres stages dans le travail social, je n’avais toujours pas le feu. C’est mon père qui m’a suggéré d’étudier la théologie. Là, je ne sais pas pourquoi, j’ai sauté sur le téléphone et je me suis renseignée sur la manière d’entrer à la fac.» 
Elle se passionne pour ses études qui l’enrichissent et l’approfondissent, sans pourtant songer au pastorat: «J’ai beaucoup résisté... J’avais tellement peur de devenir pasteure.» Mais en commençant le ministère, elle y trouve le feu qui lui avait manqué dans ses premiers choix de carrière. «Le feu c’est pour Dieu d’abord, je voulais être à son service. Mais que ce soit passé par le pastorat, ça s’est déroulé petit à petit. C’est en pratiquant le ministère que je m’y suis révélée...» Elle ajoute après un instant de réflexion: «C’est la révélation de ma vie.» Et son visage s’illumine lorsqu’elle décrit son travail. «Ce qui m’a parlé dans le pastorat, c’est le cœur à cœur avec les gens, tellement humble. Je n’ai jamais vraiment fait d’autre métier, mais c’est le métier le plus plein qui existe. Tu touches l’humanité dans ses profondeurs et ça n’a pas de prix.»
On perçoit cependant qu’accompagner les moments importants, parfois douloureux, ne laisse pas indemne une sensibilité à fleur de peau. Geneviève l’évoque lucidement, mais sans s’apesantir: «Le pastorat... Nom de bleu, ça me pousse dans toutes mes limites, dans mes plus grandes souffrances et dans mes plus grandes peurs. Ça me demande de me dépasser, et je n’ai pas fini d’apprendre.» Et elle pointe aussi une grande difficulté de son métier: «Ça demande énormément de compétence de partager avec les autres cet espace entre le haut et le bas. Va vers cette personne qui meurt, va faire ce discours du 1er août, va prêcher, va faire du catéchisme, va faire de la formation d’adulte...» 
On devine à sa façon d’énumérer qu’elle se sent petite devant la tâche.
Alors, qu’est-ce qui fait qu’elle se lève chaque matin avec un enthousiasme renouvelé pour sa mission? Elle le dit elle-même: cela demande beaucoup de «juste» être au service, sans vouloir être aimée, sauvegarder l’institution ou sauver le monde. Pour ne pas oublier le sens de ce qu’elle fait, elle a besoin de se connecter à la source plusieurs fois par jour. «Je ne commence jamais le travail sans me mettre en présence du Christ. Sans cela je m’asphyxie. Je perds la fluidité de la vie, je perds ma joie.»
Cette joie, justement, c’est comme son parfum à elle, celui qu’elle aime distiller alentour. «Dieu demande d’être la fleur que l’on est. Alors qu’on voudrait tellement être autre chose. On se brise à force de faire des efforts immenses pour toujours faire mieux, alors qu’il suffit d’être soi. Et c’est tellement porteur. Dans mon ministère, je crois que les gens attendent juste que je sois moi-même.» Elle voudrait que l’Eglise soit un lieu où tous vivraient de ce message... «Je souhaite de tout cœur que tous les pasteurs et diacres soient heureux dans leur travail. Les gens qui sont bien où ils sont, ils te font du bien.» Puis Geneviève ajoute avec un sourire et sans la moindre hésitation: «La vocation, c’est être soi-même: juste suivre son désir et sa joie de vivre.»
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